17. novembre 2016

Rien n’est aussi vital pour l’homme que l’air qu’il respire. En retenant son souffle, on tient une minute, un peu plus peut-être. Puis, il faut inspirer à nouveau. A chaque inspiration, de l’oxygène, mais aussi des polluants présents dans l’air, pénètrent nos poumons.

mh. La montée est raide d’Attinghausen, UR, en direction de Brüsti. De là, le chemin mène en serpentant sur le versant, au-delà du col de Surenen, en direction d’Engelberg OW. La vue s’ouvre sur la plaine de la Reuss et le panorama alpin devient plus imposant. Les montagnes sont impassibles même si les humains les percent de part en part depuis plus de cent ans.

En dessous de Brüsti, une petite terrasse à flanc de coteau, le trafic gronde sur l’autoroute. L’air alpin semble frais. Or, à chaque inspiration, des milliers de particules fines, de la suie cancérigène également, rejetées par les camions, voitures, chauffages et même par les trains sont aspirées dans les poumons. Plus les poussières sont fines et plus elles s’insinuent profondément dans les poumons, se déposant dans les alvéoles pulmo n aires et les bronches. La respiration devient plus difficile car la montée à Brüsti est raide.

La Confédération doit agir
Dans l’article 74 de la Constitution suisse, il est inscrit que la Confédération doit légiférer sur la protection de l’être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles. La loi sur l’environnement stipule que la Confédération doit mettre tout en oeuvre pour limiter la pollution atmosphérique car même si elle ne dépasse pas les valeurs limites, elle est nuisible à la santé humaine.

L’air alpin a la réputation d’être sain. Il est frais, propre et peut-être même curatif. Il fleure le bois d’arolle, le foin, les fleurs alpines et parfois même la bouse de vache. Des lieux de vacances comme Chamonix en France font la publicité de leur bon air. Or, la réalité est souvent autre. Ainsi l’air de Chamonix, située sur l’axe de transit du Mont-Blanc, est souvent plus vicié en hiver que celui de Paris. Ces circonstances ont fait en France les gros titres dans les journaux et valu des railleries aux publicitaires.

Ces conditions spéciales résultent de la topographie alpine. Souvent, l’air saturé de poussières fines, de suie et de soufre stagne plus longtemps dans les étroites vallées alpines. Les polluants se concentrent à ras du sol de la vallée, là où habitent la plupart des gens. La cause en est une situation d’inversion qui a lieu en général en hiver, la nuit et lors de laquelle, une masse d’air froid stagne sous un couvercle d’air chaud.

Plus de polluants en montagne
Les spécialistes partent du principe que les nuisances d’un poids lourd passant les Alpes sont six fois plus élevées qu’en plaine. De grands efforts ont été faits ces dernières décennies pour rendre relativement plus écologiques les « gros pollueurs » des années quatre-vingts. En introduisant les normes d’émission Euro, l’UE a régulièrement renforcé les valeurs limites. Ainsi, chaque nouveau camion transporte derrière son moteur une énorme « station de nettoyage » qui filtre les poussières fines, les dioxydes d’azote et autres polluants des gaz d’échappement. Or, la consommation en énergie de ces installations est telle qu’un nouveau camion émet autant de CO2 que ceux d’il y a 20 ans ! Ce qui signifie que les émissions de CO2 nuisibles au climat sont aussi élevées qu’à l’époque.

En dépit des nouvelles technologies, les camions, et les véhicules utilitaires dont le nombre est en constante augmentation, circulant dans les Alpes émettent plus de la moitié de la totalité d’oxydes d’azote et de poussières alors qu’ils ne représentent qu’une petite part de la totalité du trafic.

Entre temps, les camions sont soumis à la norme Euro VI. Une nouvelle, plus sévère encore, n’est pas prévue et c’est pourquoi les poids lourds ne deviendront pas plus propres. Pour l’instant, les moteurs électriques ne semblent pas être une option car les distances parcourues par les camions en transit sont trop longues. Que faire ? En politique des transports contrairement à d’autres domaines, la Suisse est souvent en avance sur les autres pays. Au début du XXe siècle, nous avons électrifié le réseau ferroviaire, investissant à cette époque déjà dans la mobilité électrique !

Le rail – l’avenir
La montée jusqu’à Brüsti dure un peu plus d’une heure pour les personnes en bonne condition physique. De là-haut, on aperçoit non seulement l’autoroute et les camions mais aussi le portail nord du tunnel de base du Gothard. Très bientôt, cette oeuvre magi strale sera mise complètement en service. Ainsi, à partir de décembre, plus aucun camion en transit ne devra grimper poussivement l’autoroute jusqu’à 1100 mètres d’altitude pour traverser le tunnel du Gothard. En prenant le rail par le tunnel ferroviaire de base, les transports de marchandises n’émettront plus de CO2, de poussières fines ou d’oxydes d’azote.

L’objectif de la politique suisse des transports est de transférer les marchandises sur le rail pour les longs trajets. Et pour l’atteindre, le peuple suisse a adopté l’initiative des Alpes ainsi que la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) et les tunnels de base des NLFA. Ces mesures seules ne suffisent cependant pas pour atteindre l’objectif de transfert de 650 000 camions par an, ancré dans la loi. D’autres instruments incitatifs tels les valeurs limites sur le CO2 et beaucoup de travail de persuasion sont nécessaires. L’Initiative des Alpes poursuit son engagement afin de mettre en oeuvre les idées visionnaires du peuple suisse !