C’est avec consternation que l’Initiative des Alpes a appris la nouvelle du terrible accident survenu dans le tunnel du Gothard. Depuis des années, elle met en garde contre les risques liés au transport de marchandises par route, mais le report du trafic sur le rail se fait toujours attendre. La tragédie du 24 octobre sera-t-elle salutaire pour le transfert modal?
Une nouvelle catégorie de marchandises dangereuses «présentant un risque particulier pour les tunnels et les ponts» doit être définie. C’est l’une des conclusions du dernier Congrès d’ITE (Initiative Transport Europe) qui s’est tenu au printemps 2001 et qui était consacré plus spécialement aux transports de produits dangereux. Quelque deux ans auparavant, l’incendie d’un camion transportant de la farine et de la margarine dans le tunnel du Mont-Blanc avait fait 39 victimes. Les cargaisons des deux poids lourds impliqués dans l’accident du Gothard n’étaient pas, là non plus, constituées de matières dangereuses au sens des dispositions légales. Il s’agissait de pneus et de bâches qui ont pris feu en dégageant une énorme chaleur et des fumées noires, provoquant la mort d’une dizaine de personnes. Tandis que les milieux routiers se servent de ce drame de manière éhontée pour réclamer de plus belle le creusement d’une seconde galerie sous le Gothard, l’Initiative des Al-pes tire la seule leçon qui s’impose: le transfert du fret sur le rail doit intervenir dans les plus brefs délais. Pendant les travaux de réparation du tunnel, le trafic ne doit pas être dirigé vers des axes routiers de substitution. Compte tenu de leur déclivité, de leur altitude et de leurs nombreux virages, les trois autres itinéraires fran-chissant les Alpes suisses sont tout à fait inadaptés à la circulation des poids lourds. De plus, les tunnels de faîte du San Bernardino et du Grand-Saint-Bernard, longs d’environ six kilomètres chacun, sont beaucoup moins bien équipés que le tunnel du Gothard sur le plan de la sécurité. Il serait irresponsable de faire passer des véhicules automobiles lourds sur ces axes. Ce qu’il faut, c’est au contraire exploiter à fond les capacités ferroviaires en réserve, qu’il s’agisse du réseau national ou des liaisons internationales. D’après les calculs des CFF, qui ont réagi de façon rapide et offensive à la crise, il est possible de reporter sur le rail, dans un délai de deux mois, la moitié du volume de marchandises qui empruntait le tunnel routier du Gothard avant l’accident, tout en mettant à la disposition des automobilistes une offre en matière de chargement des voitures sur le train entre Göschenen et Airolo. Ce qui est faisable en situation d’urgence doit l’être aussi sur le long terme! Ils tiennent mordicus à un second tunnel C’est par le truchement de deux initiatives – l’initiative populaire fédérale «Avanti» déposée par le TCS et l’initiative parlementaire du conseiller national argovien Ulrich Giezendanner – que le lobby de la route veut imposer le dédoublement du Gothard. Même après la séance du 29 octobre de la Commission des transports du Conseil national, on ignore si ces deux objets seront traités séparément ou conjointement. Il est probable que l’initiative Giezendanner ne sera pas débattue avant mars 2002 par la Chambre du peuple. Ce qui est clair, en revanche, c’est que le Conseil fédéral devra présenter jusqu’à fin mai 2002 au Parlement son contre-projet à l’initiative «Avanti». Cette dernière demande non seulement le doublement du tunnel, mais encore l’élargissement de la rampe nord du Gothard entre Erstfeld et Göschenen, et la mise à six pistes de l’A1 entre Genève et Lausanne ainsi qu’entre Berne et Zurich. Le gouvernement rejette cette initiative et, plus particulièrement, le percement d’un second tunnel. En fonction de l’évolution du dossier, un ou deux ans pourraient encore s’écouler avant le scrutin populaire. Nous devrions savoir ces prochains mois quand l’article constitutionnel sur la protection des Alpes devra être défendu devant le peuple.