30 ans après le « OUI » du peuple, l’article sur la protection des Alpes n’est toujours pas respecté. Pire, le nombre de trajets de poids lourds à travers les Alpes est même en train d’augmenter. Ce sont les informations tirées du rapport de transfert 2023 publié aujourd’hui. Le Conseil fédéral fait beaucoup trop peu pour atteindre l’objectif de transfert et protéger le climat. L’adaptation attendue de la RPLP au renchérissement et la réaffectation de fonds d’encouragement pour le transport ferroviaire de marchandises à travers les Alpes, proposées par le Conseil fédéral, ne suffiront pas, loin de là.
L’Initiative des Alpes et la population suisse attendent une véritable offensive en faveur du transfert pour qu’il y ait drastiquement moins de camions sur les routes et davantage sur le rail. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit : les chiffres du transfert stagnent depuis plusieurs années. Pire, depuis 2021, le nombre de trajets de camions à travers les Alpes augmente même. En 2022, le nombre de trajets s’élevait à 927’000, ce qui correspond à une augmentation de +7,5% par rapport à 2020-2022. Cette augmentation nous éloigne davantage de l’objectif de transfert qui est fixé par la loi à 650’000 trajets de poids lourds par an. En 2022, 277’000 camions en trop ont traversé les Alpes.
Le Conseil fédéral propose des mesures en demi-teinte qui sont loin d’être suffisantes. Par exemple, il veut premièrement encourager les transports sur de courtes distances, mais sans mettre de moyens supplémentaires à disposition. Il ira même puiser dans la promotion actuelle des transports sur de longues distances. Au final, le transfert modal n’en profitera guère. Sa deuxième mesure laisse également à désirer. Même si nous saluons qu’il veuille adapter la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) au renchérissement, nous déplorons le montant et sa lenteur de sa mise en œuvre. En effet, au lieu de procéder à une adaptation complète et rapide, il n’augmente la RPLP que de 5% et seulement pour l’année 2025. L’adaptation serait possible dès 2024 et jusqu’à 10%, car la RPLP n’a été adaptée au renchérissement qu’une seule fois au cours des 20 dernières années, et ce de manière minimale.
Pourtant, plus de rail dans le transport de marchandises aiderait aussi le climat. En approuvant la loi sur la protection du climat le 18 juin, la population suisse a exprimé sa volonté d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Le transport ferroviaire de marchandises doit jouer un rôle prépondérant à l’avenir. Le rail est l’alternative écologique au transport routier de marchandises fonctionnant aux combustibles fossiles.
Le rail émet onze fois moins de CO2
Si l’on compare les émissions de CO2 émises entre une tonne de marchandise transportée par un poids lourd sur la route et sur le rail, il n’y a pas photo. Le camion émet 125 g d’équivalent-CO2, le chemin de fer en rejette seulement 11 g, soit onze fois moins que par la route. L’Initiative a montré cette différence et l’avantage du rail de manière imagée et percutante avec une action à Berne. La requête à ce sujet est claire : « Pour avancer dans la politique de transfert, la Confédération doit faire respecter l’objectif de transfert, l’appliquer à toute la Suisse et introduire des mesures efficaces de promotion du transport ferroviaire de marchandises. », déclare Django Betschart, directeur de l’Initiative des Alpes. En effet, les mesures et les stratégies actuelles favorisent la route, car elle est devenue encore moins chère que le rail en raison de l’augmentation des prix des sillons et du courant de traction.
Les transports de matières dangereuses ne seront pas interdits au Simplon
Le manque de volonté du Conseil fédéral vers davantage de transfert de la route au rail est également visible au Simplon avec le transport de marchandises dangereuses qui transitent toujours par le col alors qu’il y a une ligne ferroviaire entre la Suisse et l’Italie. L’Initiative des Alpes est consternée par le fait que le Conseil fédéral se contente de la feuille de route du canton du Valais et de l’industrie dans le transport de marchandises dangereuses au Simplon. Dans une pétition lancée par l’Initiative des Alpes, 4’769 personnes avaient demandé en 2022 que le transport de marchandises dangereuses soit interdit au Simplon, comme sur tous les autres cols alpins suisses. L’industrie et le canton du Valais n’ont ni objectifs et mesures évaluables ni aucun délai pour une réduction effective des trajets de marchandises dangereuses et du risque qui y est lié. La Confédération s’en contente et se fie à l’engagement volontaire de ceux-ci. Depuis des années, ni l’industrie ni le canton ne montrent d’intérêt pour améliorer réellement la situation, bien que le tunnel du Simplon constitue une alternative fiable pour le transport des matières dangereuses par le rail. L’Initiative des Alpes suivra de près l’évolution de la situation et maintiendra la pression sur la Confédération.
Opinions sur le rapport de transfert :
« Pour avancer dans la politique de transfert, la Confédération doit introduire un objectif de transfert ambitieux, contraignant et valable pour toute la Suisse auquel s’ajoutent des mesures efficaces de promotion du transport ferroviaire de marchandises ».
déclare Django Betschart, directeur de l’Initiative des Alpes.
« La politique de transfert est une histoire gagnante : des centaines de milliers de camions ont été transférés sur le chemin de fer plus respectueux de l’environnement, du climat et des Alpes. La politique de transfert de la Suisse est considérée comme un modèle par d’autres pays, l’Autriche par exemple, qui en reprennent des éléments centraux. Mais nous ne sommes pas encore arrivés au but. 270’000 poids lourds en trop traversent encore les Alpes. La politique suisse doit donner un coup de collier à la politique de transfert, et non pas réduire ou supprimer les instruments de transfert existants ».
Jon Pult, conseiller national (GR) et président de l’Initiative des Alpes
« Chaque année, 11 000 camions chargés de marchandises dangereuses passent par le col du Simplon. Un seul accident sur ce tronçon, qui culmine à 2000 mètres, peut mettre en péril la santé des riveraines et riverains, la sécurité des usagères et usagers de la route, de la faune et de la flore et polluer la nappe phréatique de toute une région. Cette situation est d’autant plus révoltante qu’il existe déjà une alternative à ces transports dangereux : le tunnel ferroviaire reliant Brigue à Iselle en Italie. Le col du Simplon reste une exception incompréhensible, car pour des raisons de sécurité, le transport de marchandises dangereuses est déjà interdit sur tous les autres axes transalpins au Grand-Saint-Bernard VS, au Gothard UR/TI et au San Bernardino GR/TI ».
Emmanuel Amoos, conseiller national (VS) et membre du comité de l’Initiative des Alpes