Le syndic de la quatrième plus grande ville suisse ne comprend pas pourquoi il faudrait à nouveau investir des milliards au Gothard. Les défis auxquels sont confrontées les agglomérations sont cruciaux et les moyens clairement limités.
La proposition du Conseil fédéral de construire un deuxième tunnel routier est actuellement débattue au Parlement. Quel est votre avis sur cette proposition ?
Je ne vois pas l’utilité de ce projet, qui a un impact marginal. La population a déjà consentit un effort financier important au Gothard, en investissant 20 milliards dans les transversales alpines. Pourquoi cela devrait-il continuer pour la route ?
Mais cela me dérange d’autant plus que le deuxième tube au Gothard pourrait se faire au détriment des projets des agglomérations. On prévoit plus de dépenses que ce que l’on pourra financer. Je ne comprends pas que les importants problèmes auxquels sont confrontées les agglomérations ne soient davantage pris au sérieux, au lieu d’être relégués en « ligue B ».
Une étude a montré que les coûts d’entretien à long terme d’une seconde galerie ont été sous-estimés dans le message.
Il faut de la transparence sur les coûts pour garantir un processus correct. Pour un chantier d’une telle importance – un tunnel qui plus est en montagne – il faut évidemment prévoir des réserves suffisantes pour faire face aux difficultés, mettre en place un système de controlling et prévoir les dépenses pour l’entretien. Il ne serait pas acceptable de minimiser les coûts pour faire passer le projet.
Les cantons de Vaud et Genève ont récemment déclarés qu’ils ne comprennent pas pourquoi le Conseil fédéral fait du deuxième tube au Gothard une priorité.
A votre avis, Quels sont les axes prioritaires ?
Le Conseil fédéral fait depuis 20 ans une priorité absolue du Gothard. Tout d’abord avec la construction du tunnel ferroviaire de base, maintenant avec la construction d’un second tunnel routier. Si cette conception «Gotthard über alles » était compréhensible au XIIIe siècle, elle n’est plus justifiable. D’autant que même Uri, canton fondateur, ne soutient pas la construction du deuxième tube.
La Suisse a d’autres projets. Les besoins sont énormes dans la métropole lémanique. Il faut prévoir, d’ici 15 ou 20 ans, une solution pour Morges, qui est coupée par l’autoroute. Une large majorité politique soutient le contournement, seuls les Verts sont divisés. Genève, Lausanne, Nyon et Yverdon ont bien des projets dont le financement n’est pas assuré. Les transports publics et la mobilité douce sont aussi concernés.
Voyez-vous un lien direct entre les moyens disponibles pour financer les projets d’agglomération et le montant qui sera dépensé pour l’assainissement du tunnel du Gothard ?
On peut en effet le craindre. Le financement pour réaliser les projets des agglomérations n’est pas à la hauteur des besoins. Suite au refus populaire d’augmenter le prix de la vignette, le Conseil fédéral a déjà dû refuser des projets. Le projet FORTA, qui crée un fonds pour assurer le financement des routes nationales et projets d’agglo, n’a pas suscité le consensus. Je crains donc fortement pour la suite.
17 500 voitures passent en moyenne par jour au Gothard. Quelle est la situation dans l’agglomération lausannoise ?
De simples routes, même en banlieue, ont un trafic plus important que cela à Lausanne et dans la région.
L’agglomération lausannoise a beaucoup investi dans le développement des transports notamment avec la construction des lignes de métro. Quels sont les défis actuels ?
Lausanne est reconnaissante au Conseil fédéral qui lui a permis de développer son métro. Une troisième ligne est prévue, mais le projet a du être raboté de moitié, seule la moitié du financement étant assurée.
La mobilité individuelle pourrait fortement évoluer ces prochaines années; le permis de conduire a déjà perdu une grande partie de son attrait auprès de la jeune génération. Quelle place accorder à ces tendances dans le développement des infrastructures ?
Je constate deux tendances. D’un côté, une part de plus en plus importante de la population urbaine ne possède plus de voiture individuelle : 55% à Bâle, qui est leader dans ce domaine, 46% à Lausanne.
Cela ne veut pas dire que ces gens ne circulent pas, mais ils le font autrement. D’autre part, les transports publics et les voitures « mobility » se développent et étendent leurs prestations au-delà des agglomérations. Ces tendances contribuent à réduire la pollution, mais il continuera à y avoir des embouteillages. Il faut donc investir dans les agglomérations, là où se concentre la population.
Le Conseil fédéral se résigne à ne pas atteindre les objectifs fixés par la Constitution et la loi concernant les poids lourds, mais se mobilise pour construire un second tunnel routier. Quelle est votre analyse ?
Construire un deuxième tunnel au Gothard est en effet une provocation. Ce n’est pas parce que les objectifs fixés par l’initiative des Alpes sont difficiles à atteindre qu’il faut y renoncer. Il faut tenir compte de la volonté populaire qui s’est exprimée à plusieurs reprises contre un deuxième tunnel au Gothard.
Jugez-vous crédible la proposition du Conseil fédéral de construire un second tunnel mais de n’utiliser qu’une voie pour la circulation ?
En admettant qu’il fasse cette proposition de bonne foi, dès lors que l’infrastructure sera construite, les pressions seront fortes pour ouvrir les quatre voies au trafic effréné des camions. Ce ne sera alors qu’une question de temps, 3, 5, 10 ou 15 ans, avant que les quatre voies ne soient ouvertes. C’est un serment, mais qui équivaut pour moi à une promesse d’ivrogne que l’on ne peut pas tenir à long terme, vu la pression du lobby des camionneurs et de l’Union européenne.
Pensez-vous que la cohésion nationale est en danger si une offre efficace de substitution par le rail est mise à disposition lors de l’assainissement du tunnel du Gothard ?
Non, le seul bénéfice que je vois pour le Tessin dans la proposition du Conseil fédéral, c’est de ne pas perturber le trafic pendant la durée des travaux. Mais c’est donc une vision à très court terme. Le Tessin est déjà confronté à des problèmes de circulation très importants, dont il est en partie responsable, puisqu’il a un taux de motorisation parmi les plus élevés d’Europe. C’est pourquoi, beaucoup de Tessinoises et de Tessinois ne sont pas favorables d’un second tunnel au Gothard.
Le Non de Zurich et Bellinzone
tob. Les maires de Zurich et Bellinzone disent – tout comme Daniel Brélaz de Lausanne – Non à un deuxième tube au Gothard.
« Un mauvais investissement »
Dans « échos » d’août 2012, Corine Mauch, maire de Zurich, qualifiait déjà le deuxième tube routier au Gothard de mauvais investissement. Selon elle, dans 20 ans, on sera contrarié en pensant aux milliards investis dans le second tube que l’on ne pourra pas utiliser pleinement, ou en cas d’utilisation totale, on se désolera de ceux investis dans une NLFA non rentable vu que la route aura été rendue plus attractive pour les poids lourds.
« Nouveaux problèmes »
Dans « échos » de janvier 2013, Mario Branda maire de Bellinzone, s’exprimait fermement contre le second tube qui entraînerait assurément plus de circulation, en particulier plus de camions en transit sur l’autoroute. L’unique solution raisonnable, selon lui, est un assainissement accompagné de mesures : utiliser le nouveau tunnel de base ferroviaire, ferrouter les voitures et camions, prolonger l’ouverture des cols et n’assainir que pendant les mois d’hiver.