Le Conseil fédéral veut un deuxième tunnel au Gothard mais pas plus de trafic. Cette décision n’avantagera ni la sécurité, ni le Tessin et surtout pas le budget fédéral. L’UE, elle, s’en réjouirait.
tob. Un assainissement du tunnel routier au Gothard est réalisable sans la construction préalable d’un second tube. Ceci a été démontré non seulement par les experts
du Conseil fédéral mais aussi par ceux de l’Initiative des Alpes. Pourtant, fin juin,
le gouvernement en a décidé autrement. Décision incompréhensible pour plusieurs raisons :
Sécurité : après l’incendie d’un camion en 2001, l’infrastructure a été améliorée globalement, le nombre d’accidents a depuis baissé considérablement. Lors de la dernière décennie, 6 personnes ont trouvé la mort dans le tunnel contre plus de 3000 sur les routes suisses. D’après le bureau de prévention des accidents (bpa), un tube supplémentaire n’amènera pas plus de sécurité. Un accroissement de la circulation de 3% signifierait même une augmentation du risque d’accident sur tout l’axe de transit.
Tessin : le nouveau tunnel ferroviaire de base sera inauguré avant l’assainissement du tunnel routier, la durée des trajets se raccourcira donc considérablement. Le Tessin ne sera en aucun cas isolé car grâce à un chargement sur rail performant des poids lourds et voitures, le canton restera accessible aussi par la route. Toutes les études ont prouvé qu’un ferroutage au Gothard est réalisable. La partie sud du Tessin souffre aujourd’hui déjà de cette avalanche de trafic de transit. Les cas de cancer et maladies respiratoires se situent bien au-dessus du niveau de la moyenne suisse et touchent principalement les enfants et personnes âgées. Le Mendrisiotto surtout, ne supportera pas plus de trafic.
Assainissement d’urgence : avant de mettre le deuxième tube en exploitation, le premier devrait être assaini d’urgence. Pour ce travail de réfection, aucune offre de substitution par le rail ne sera proposée. Les 140 jours de fermeture totale ne seront pas favorables au Tessin et le chaos sur l’axe du San Bernardino est programmé d’avance.
Coûts : un deuxième tunnel serait de 1 à 1,5 milliards de francs plus onéreux que les coûts d’assainissement, offre de substitution par le rail comprise. Si cette solution de luxe est choisie, elle reporterait ou ferait capoter d’autres projets dans différentes régions suisses. Aucune promesse ne pourra rien y faire. Sans compter que les frais annuels d’entretien pour deux tunnels seraient plus élevés et que cet argent ferait alors défaut ailleurs.
Bandes d’arrêt d’urgence : Berne promet de n’utiliser qu’une seule voie par tube, l’autre servant ainsi de bande d’arrêt d’urgence. Elle veut inscrir cette limitation dans la loi mais les lois se laissent modifier facilement. Aujourd’hui déjà, les bandes d’arrêt d’urgence sont utilisées par le trafic près de Morges. Et sous le titre « garantie de la fluidité du trafic sur les routes nationales », le département de Doris Leuthard annonce son intention d’affecter plus de 125 kilomètres de ces bandes aux heures de pointe dans les années à venir. La signification de cette mesure pour le Gothard est facile à imaginer.
Signal donné : si le Parlement suit le Conseil fédéral, les transporteurs routiers et l’UE s’orienteront sur le nouveau tube et miseront à long terme sur les poids lourds. Ni l’Allemagne, ni l’Italie ne voudront alors construire rapidement les voies d’accès nécessaires à la NLFA. Contredisant ainsi la politique de transfert du trafic revendiquée plusieurs fois par la population.
Transfert du trafic : un deuxième tunnel enterrera le projet de transfert des marchandises de la route au rail. Le peuple a exigé ce transfert lors de plusieurs votations et a investi près de 20 milliards dans la NLFA.
Environnement : L’écosystème des régions alpines est très sensible, c’est incontestable. Les Alpes doivent être protégées contre les nuisances du trafic de transit. Le train est et reste un moyen de transport plus écologique que les poids lourds.
UE : L’UE a réagit avec satisfaction à l’annonce du Conseil fédéral et a exprimé que ce deuxième tunnel représentait une route de contournement bienvenue au cas où des problèmes se profileraient sur d’autres axes. La Suisse déroule ainsi le tapis rouge à l’UE.
Durée : un assainissement sans second tube peut être planifié sans votation populaire. Rapidement. La planification d’un deuxième tunnel provoquera à coup sûr une votation, diffèrera l’assainissement et les responsables risquent de se retrouver dans une situation politiquement lamentable. Ni la sécurité, ni le Tessin ne profiteront de cette situation. Personne d’ailleurs. A l’exception du lobby routier.
Droit populaire : la démocratie interdit de créer des faits et de faire voter par la suite les modifications de loi ou de la Constitution correspondantes. Cette entourloupe politique de tunnels exploités à moitié contredit les traditions suisses.
L’Initiative des Alpes a réagit catégoriquement à la décision du gouvernement. Elle consigne dans un communiqué de presse que le Conseil fédéral offre là une pomme empoisonnée au Tessin: il promet une bonne liaison routière et laissera par la suite déferler les camions. D’autres organisations ont fait, elles-aussi, de sévères critiques. « Mountain Wilderness » par exemple, écrit qu’avec la décision en faveur d’un second tube, Berne ouvre la voie à une politique régressive. « Pro Bahn » consigne que cette subtilité, d’ouvrir au trafic une seule voie par direction, ne peut pas vraiment être prise au sérieux.
L’ « ATE » trouve particulièrement honteux du Conseil fédéral d’essayer de mener ainsi ses concitoyens en bateau. La coalition tessinoise « pour une liaison sud-nord durable et fluide » pense que la promesse de ne pas augmenter la capacité n’est qu’un jeu de mots.