Le contre-projet Avanti prépare le terrain au doublement du tunnel routier du Gothard qui, s’il se réalisait, aurait des conséquences funestes pour les Alpes: le trafic augmenterait de plus belle, et avec lui la pollution, le bruit et la puanteur dans les vallées.
aa. Le 20 février 1994, le souverain, allant contre la volonté du Conseil fédéral et du Parlement, disait oui à l’Initiative des Alpes. Depuis, le principe de la protection des Alpes est inscrit dans la Constitution fédérale (art. 84): le trafic de transit des marchandises doit avoir été transféré de la route au rail dans un délai de dix ans à compter de la date à laquelle l’initiative a été adoptée, et la capacité des routes de transit des régions alpines ne peut être augmentée. Presque dix ans après la votation, le Conseil fédéral et le Parlement remettent fondamentalement en question cet article constitutionnel. Avec 80 pour cent du tonnage, le Gothard est le principal axe de franchissement des Alpes suisses. Or, c’est précisément cet axe-là que les auteurs du contre-projet Avanti veulent exclure de l’interdiction d’augmenter la capacité des routes de transit, cela afin de permettre le doublement du tunnel routier. Naïvement, le Conseil des Etats et le Conseil national ont renoncé à formuler un mandat de construction concret dans le contre-projet. Le programme d’infrastructure routière Avanti ne sera défini qu’une année après le vote du Parlement. Il est très improbable que le Conseil national, qui s’est déjà prononcé pour le percement d’un second tube dans le cadre de l’initiative parlementaire Giezendanner, ne place le doublement du Gothard qu’en deuxième ou troisième priorité. Par-dessus le marché, ce programme n’est pas soumis au référendum facultatif. Ce qui veut dire que le corps électoral n’aurait absolument plus rien à dire sur ce dossier. Chaos prévisible Si un deuxième tunnel routier était creusé à travers le massif du Saint-Gothard, il serait vraisemblablement mis en service avant le tunnel ferroviaire de base et attirerait alors comme un aimant les poids lourds européens. Lors de sa visite en Suisse, le 2 octobre dernier, le ministre allemand des Transports, Manfred Stolpe, a déclaré qu’il serait heureux que le tunnel du Gothard soit dédoublé: «Nous sommes face à un grand défi européen, et le transport nord-sud des marchandises augmentera encore en importance et en tonnage.» Quand, dans quelques années, le financement du transport ferroviaire de marchandises sera caduc, alors qu’il est déjà bien compromis en raison de la situation financière de la Confédération, nous saurons ce qu’est le chaos. La loi sur le transfert du trafic, de même que l’encouragement du transport ferroviaire de marchandises, sont limités à l’année 2010. En 2006 au plus tard, le Conseil fédéral devrait présenter au Parlement une loi d’exécution de l’article sur la protection des Alpes. Et voilà que le Parlement, à travers une nouvelle formulation de l’alinéa 3 de cet article constitutionnel, souhaite régler le transfert modal via la loi. Qui est compétent? Le nouvel alinéa 3 est en contradiction avec l’alinéa 2 non modifié, qui attribue au Conseil fédéral la compétence de prendre les mesures nécessaires au transfert modal. L’intention est évidente: il s’agit pour le Parlement de se ménager la possibilité de retarder encore ce transfert et de permettre aux associations routières et aux organisations économiques d’attaquer par voie référendaire toute décision à ce propos. Le Conseil fédéral et le Parlement pourraient alors «en toute bonne conscience» laisser inappliqué l’article constitutionnel sur la protection des Alpes. En plus de permettre le doublement du tunnel routier du Gothard, le contre-projet compromet donc la politique du transfert modal (voir l’encadré)! Qui sème récolte Un second tunnel autoriserait un volume de trafic presque deux fois supérieur – avec les conséquences que cela implique pour l’être humain et l’environnement. Il est hautement probable qu’avec deux tunnels routiers au Gothard, les prescriptions sur les marchandises dangereuses seraient affaiblies. Résultat: un report de ces transports dangereux dans le mauvais sens, c’est-à-dire du rail vers la route, d’où une aggravation considérable des risques sur la totalité de l’axe de transit Bâle-Chiasso. N’oublions pas la promesse – malheureusement vaine – faite lors de l’inauguration du tunnel routier du Gothard, en 1980, par notre ministre de l’Intérieur de l’époque, Hans Hürlimann: «Ce tunnel n’est pas un couloir pour les poids lourds.» Aujourd’ hui, 3500 camions l’empruntent quotidiennement. Le dédoublement de l’ouvrage porterait ce chiffre à 7000.