Depuis 21 ans, Carlo Croci occupe le poste de maire de Mendrisio. Il représente le PDC et ne veut pas d’un 2e tunnel routier au Gothard. Carlo Croci craint les conséquences d’une augmentation du trafic et compte veiller à ce que le Tessin ne disparaisse pas de la carte nationale.
tob. Monsieur Croci, vous vivez à Mendrisio et dirigez la ville et ses quelques 15 000 habitants. Qu’en est-il de la qualité de la vie ?
La qualité de la vie est bonne, là n’est pas la question. La situation sur nos routes est en revanche très mauvaise et continue à se dégrader. Entre temps, la situation est telle que l’on est presque paralysé. Et ça, tous les jours.
Qu’entendez-vous par là ?
Je vais vous donner un exemple. Il y a 30 ans, je travaillais à Lugano. A cette époque, je mettais 15 minutes pour faire le trajet Mendrisio-Lugano. Aujourd’hui, je me rends souvent à Lugano et environs pour des raisons professionnelles. Je suis fiduciaire et rend visite à de nombreux clients. Le matin à 6 ou 7 heures, je prévois maintenant une heure pour le trajet de la maison jusqu’au centre de Lugano. Voilà la situation sur nos routes actuellement ! En tant que fiduciaire, je suis tributaire de ma
voiture. Je contribue à la protection de l’environnement en roulant depuis 20 ans avec un véhicule électrique.
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En êtes-vous content ?
Oh oui. J’en suis si content que j’en suis même au troisième.
Quelle est la cause principale de la situation routière difficile ?
Ce sont surtout les frontalières et frontaliers d’Italie qui, quotidiennement, viennent chez nous. On en compte plus de 65 000 entre-temps. Mais il y a aussi le trafic touristique en route pour l’Italie ou en retour. Nous le ressentons en particulier de juin à septembre.
Vous avez adhéré au comité bourgeois contre un 2e tunnel routier au Gothard. Pourquoi donc ?
La Suisse doit savoir que dans le Tessin du Sud beaucoup sont contre un 2e tunnel au Gothard. En outre, je ne peux tout simplement pas croire que l’on construise un 2e tunnel routier pour n’en utiliser ensuite qu’une seule voie. Il est probable que ce soit comme cela au début. Mais, même une Constitution fédérale se laisse modifier, et ce, de manière particulièrement simple lorsque le tunnel est déjà construit et payé. Si les embouteillages se déplacent du Gothard jusque chez nous dans le sud du Tessin alors, la circulation sera bloquée sur les routes de juin à septembre, nous serons définitivement paralysés.
Vous aurez alors besoin de plus d’une heure pour rentrer chez vous de Lugano ?
Aujourd’hui, si un accident se produit sur l’autoroute, il peut arriver que j’aie besoin de 2 à 3 heures pour faire tout le trajet. Je ne peux même pas éviter le bouchon autoroutier, car en cas d’accident, tout le réseau routier de la région est encombré en l’espace d’un instant. Et pourtant : plus il y a de trafic et plus les gens deviennent nerveux, ce qui augmente encore le risque d’accident.
De quelle manière vos collègues de parti ont-ils accueilli votre engagement au sein du comité bourgeois ?
Pas très favorablement. Mais je ne peux tout de même pas être favorable à un 2e tunnel pour des raisons de politique de parti lorsque je vois, en tant que maire de Mendrisio, que beaucoup de gens de la région y sont opposés et que nous souffririons encore plus des répercussions du trafic. Et ce ne sont pas seulement les gens de Mendrisio qui souffriraient le plus mais tous les habitants du sud du Tessin. En outre je ne suis pas le seul maire à penser ainsi. Le maire de Chiasso lui-aussi fait partie de ce comité (voir en encadré).
Comprenez-vous pourquoi le gouvernement tessinois s’investit tant en faveur du 2e tunnel routier ?
Non, je ne comprends pas cette véhémence. En particulier parce que les problèmes de trafic dans la région de Lugano s’accentueraient fortement jusqu’à la frontière italienne. Je suis en outre convaincu que le trafic causerait de nouveaux problèmes au tourisme. Des études ont démontré que le trafic dense est un handicap de taille pour notre tourisme.
Traversez- vous souvent le Gothard en une année ?
Dix fois peut-être. Le tronçon Mendrisio–Lugano en revanche au moins 100 fois.
Le nouveau tunnel de base du Gothard sera inauguré l’année prochaine. Que pensez-vous d’AlpTransit ?
Le fait qu’entre Zurich et Milan le Tessin n’existera plus me tenaille. La liaison sera meilleure entre les deux centres économiques mais je crains que le Tessin ne disparaisse un peu de la carte nationale.
Est-ce que ce serait aussi le cas avec un 2e tunnel routier ?
Je le crains, malheureusement.
Quelle est la solution ?
Nous devons en tout cas renforcer nos atouts, l’Université par exemple. Ou alors, nous devons veiller à ce que des entreprises internationales du secteur financier s’implantent chez nous, car nous avons l’avantage d’être plurilingues. Nous devons mettre en évidence qu’il existe de petits centres entre les grands et que le Tessin n’a pas disparu.
Résistance bourgeoise au Tessin
Aux côté de Carlo Croci, PDC Mendrisio, d’autres maires bourgeois tessinois
s’opposent à un 2e tunnel au Gothard. Par exemple, le maire de Chiasso, Moreno Colombo, PLR s’oppose lui aussi au doublement du tunnel. Dans une rubrique des « Schaffhauser Nachrichten », Monsieur Colombo écrivait : « Pour le bien des habitants du Mendrisiotto et du Sottoceneri, mais aussi pour une économie florissante dans notre région, il est important de diminuer le trafic lourd. Pour ces raisons, nous sommes favorables au transfert et nous craignons la construction d’un 2e tunnel routier au Gothard. Il attirera plus de poids lourds et provoquera chez nous une paralysie du trafic. Nous aurions donc encore plus d’embouteillages, ne pourrions plus circuler, ce qui serait fatal pour l’économie locale et la population.» Moreno Colombo est coprésident du comité national « non ! Comité centre-droit contre le deuxième tunnel au Gothard ».
Auparavant, Mario Branda PS, maire de Bellinzone, s’était déjà prononcé contre un 2e tunnel. L’unique solution raisonnable, selon lui, est un assainissement flanqué de mesures d’accompagnement : utiliser le nouveau tunnel ferroviaire du Gothard, aménager un ferroutage pour les voitures et camions, prolonger l’ouverture des cols et n’assainir que pendant les mois d’hiver. (tob)