Moins de camions ont traversé les Alpes au cours du premier semestre 2017 qu’en 2016 à la même période. Ce résultat réjouissant certes ne satisfait cependant pas l’article sur la protection des Alpes. Si le début de l’été a également été bon pour les chemins de fer, cela s’arrête là. Un entretien avec Peter Füglistaler révèle que la Confédération semble réticente à l’introduction de nouvelles mesures visant à promouvoir le transfert du trafic de marchandises au rail.
Peter Füglistaler, directeur de l’OFT sur l’évolution routière et ferroviaire
tob. Les chiffres semestriels révèlent que de janvier à juin, le nombre de courses poids lourds traversant nos montagnes a diminué et qu’il descendra vraisemblablement de nouveau au-dessous d’un million en 2017. La tendance qui se poursuit depuis quelques années se confirme donc et évolue à l’opposé de celle constatée entre l’Autriche et l’Italie. Depuis des années, le flux de camions augmente continuellement au Brenner, principal col alpin et itinéraire de prédilection pour plus de 2 millions de camions par an !
Initiative des Alpes : Monsieur Füglistaler, vous êtes directeur de l’Office fédéral des transports OFT et avez une part de responsabilité dans l’évolution du trafic de marchandises transalpin. Pourquoi la Suisse réussit-elle mieux que ses voisins ?
Peter Füglistaler : la Suisse a une politique de transfert, à la différence de l’Autriche et de l’Italie, qui repose entre autres sur la construction de la NLFA, la RPLP ainsi que sur l’interdiction de circuler la nuit et le dimanche. Ces mesures sur le long terme favorisent un transfert durable des transports de marchandises de la route au rail.
Un an après l’ouverture du tunnel de base du Gothard, les chiffres relatifs au rail sont décevants. Au cours du premier semestre, le volume des marchandises transportées par le rail a légèrement baissé. Où est le problème ?
Lors de l’ouverture en 2016, nous avions déjà évoqué qu’en raison également de divers chantiers en Suisse et en Italie, un temps d’adaptation serait nécessaire. Il est donc très réjouissant que le rail ait transporté un volume quasi record de marchandises à travers les Alpes en juillet, interrompu malheureusement en août par la fermeture de la ligne à Rastatt.
Les régions alpines directement concernées par le trafic de transit et regroupées dans le réseau iMonitraf veulent le report modal vers le rail. Quel est l’engagement de la Confédération à l’étranger pour promouvoir le transfert du trafic ?
Un dialogue existe tant au niveau ministériel qu’à celui des administrations. Nous débattons avant tout des raccordements à la NLFA avec l’Italie et l’Allemagne. Avec l’Autriche, les discussions tournent autour du montant des redevances pour le trafic lourd. Sur ce point-là, le champ d’application est plus limité qu’en Suisse, l’Autriche étant membre de l’UE. Nous remarquons en outre que Vienne qui craint un éventuel trafic de contournement, est plutôt sceptique quant à la position suisse. Le Land Tyrol, directement concerné par le trafic du Brenner, souhaite en revanche de nouvelles mesures telles que la nouvelle interdiction de transporter les déchets ou les pierres par voie routière.
L’objectif de transfert de maximum 650 000 camions en transit alpin par année doit être atteint en 2018. Conformément aux contrats bilatéraux avec l’UE, la Suisse pourrait introduire une redevance spéciale pour le trafic de transit à travers les Alpes. Pourquoi la Confédération n’en fait-elle pas usage ?
Nos voisins et l’UE n’en veulent pas. Nous ne pouvons donc pas entamer les négociations. Notre stratégie est d’augmenter progressivement la RPLP.
La RPLP se situe actuellement à peine à 300 francs, donc bien en dessous du montant maximum de 325 francs. L’introduction d’une redevance spécifique pour le transit alpin est donc envisageable.
Sans l’accord de l’UE, il n’y a rien à faire. Si nous l’introduisons ainsi cela pourrait entraîner la mise en place de contre-mesures. Le Conseil fédéral refuse donc de mettre en place des mesures unilatérales.
Le rapport sur le transfert sera publié tantôt. Le Conseil fédéral doit montrer comment il compte atteindre l’objectif de transfert. Existe-t-il des projets concrets ?
Le tunnel de base du Ceneri ainsi que le corridor 4 mètres au Gothard viendront bientôt compléter l’infrastructure ferroviaire et en Italie, de nouveaux terminaux sont en construction. Ces travaux achevés, le Conseil fédéral pourra alors réévaluer la situation.
Ce sera le cas en 2020. La population suisse devra donc patienter jusque-là.
En 2021, le Conseil fédéral réexaminera la situation du trafic de transit sur la base des expériences faites après une année d’exploitation totale de la NLFA.
Revenons-en aux camions : si le nombre de courses diminue au Gothard, il augmente en revanche au San Bernardino et au Simplon. Comment la Confédération entend-elle renverser la tendance sur ces deux cols ?
L’augmentation est en rapport direct avec les transports régionaux. Au Simplon, ce sont les transports de marchandises dangereuses destinées en particulier aux entreprises chimiques du Valais. Nous chercherons le dialogue avec les responsables de ces entreprises pour promouvoir un transfert au rail.
De nombreuses conclusions ont été tirées de l’interruption de la ligne de Rastatt. Des mesures concrètes sont-elles prévues ?
Nous espérons pouvoir organiser au niveau ministériel avec le ministre des transports allemand, une conférence sur le corridor ferroviaire lors du Forum International des transports 2018 à Leipzig, comme celle de ce printemps. Nous proposerons par exemple d’activer les investissements dans l’infrastructure ferroviaire et de mieux coordonner les tronçons sur les rives gauche et droite du Rhin.
Journal échos 148