Selon les prévisions, le trafic marchandises connaîtra une croissance deux fois plus rapide que le trafic voyageurs. Pour que le chemin de fer puisse assurer le transport du fret à travers les Alpes, le réseau ferré doit être développé en temps utile. L’Initiative des Alpes est opposée à toute mesure d’économies au détriment du rail, donc de la protection des Alpes.
aa. Le Conseil fédéral a annoncé son intention d’économiser 2,7 milliards de francs par année jusqu’en 2015. Et il n’entend pas mettre les transports publics à l’abri de ces mesures de rigueur budgétaire. Le trafic voyageurs régional est particulièrement visé. En parallèle, ce même Conseil fédéral et le Parlement débattent du futur développement de l’infrastructure ferroviaire (ZEB) et de Rail 2030. Il est urgent d’accroître les capacités du rail, mais le financement ne suit pas. Pour ne rien arranger, les CFF ont calculé que leurs dépenses d’entretien augmenteraient de 850 millions de francs par année. Mais personne ne sait qui paiera.
Plus de capacités pour moins d’argent
En novembre dernier, le Conseil fédéral a publié la liste des projets à réaliser au cours de la première étape ZEB1. On y trouve toute une série de petits projets destinés à accroître les capacités sur les axes du Gothard et du Lötschberg. Dans quelques années déjà, grâce à des investissements de 100 millions de francs, le trafic marchandises entre Bâle et Chiasso/Luino disposera quotidiennement de 30 sillons (= 30 trains) supplémentaires. D’autres mesures assureront l’utilisation des nouvelles capacités du tunnel de base du Gothard (2017) et du Ceneri (2019); devisées à 350 millions de francs, elles permettront d’augmenter encore de 70 convois marchandises de frontière à frontière l’offre quotidienne de transport.
Voyageurs et fret en concurrence
Sur le rail, la concurrence entre trafic voyageurs et trafic marchandises est vive. Le tunnel de base du Gothard l’illustre de manière exemplaire. Six convois de fret et un train Intercity (IC) sont prévus chaque heure dans chaque sens. Comme l’IC doit circuler plus de deux fois plus vite que les convois de fret, il ne peut entrer dans le tunnel que si le convoi de fret qui le précède a déjà atteint le milieu du tunnel, aucun dépassement n’étant possible dans celuici. L’IC doit donc offrir une capacité beaucoup plus grande que les convois de fret, qui se suivent tous à la même vitesse et à bref intervalle. Or, les CFF aimeraient faire circuler un IC toutes les demi-heures en direction du Tessin, ce qui accaparerait au minimum deux sillons de fret par heure. Le développement de l’offre en trafic voyageurs concurrence également le trafic marchandises dans les agglomérations traversées (cadence à la demi-heure, voire au quart d’heure).
Elargir le mandat du transfert modal
Dans ce rapport de concurrence, le lobby du trafic marchandises n’est pas en position de force. Le trafic voyageurs régional est financièrement neutre pour les CFF, ses prestations étant commandées par la Confédération et les cantons. Les trains de long parcours (IR, IC, EC) sont des offres répondant aux principes de l’économie de marché, génératrices de recettes. Il en va autrement du trafic marchandises, qui est dans les chiffres rouges depuis des années – bien qu’il bénéficie du soutien de la Confédération au titre de la politique du transfert modal. De plus, les cantons n’accordent généralement au trafic marchandises qu’une importance secondaire dans leurs planifications en matière de transports publics. Et puis, les médias et le public s’intéressent beaucoup plus aux trains de voyageurs, confortables et rapides, qu’aux convois de fret. La réorganisation annoncée de CFF Cargo laisse d’ailleurs craindre une coupe sombre dans l’offre en trafic marchandises intérieur. Les instances politiques ne pourront déjouer ce scénario d’épouvante qu’en élargissant au trafic intérieur le mandat du transfert modal.
Nul ne peut dire si, en définitive, Rail 2030 bénéficiera de 21 ou seulement de 12 milliards de francs. Mais une chose est sûre d’ores et déjà: les souhaits en termes de développement des capacités dépassent de loin ce cadre financier. Nombre de projets devront être remis à plus tard. L’Initiative des Alpes n’en est que plus décidée à rappeler les besoins du trafic marchandises ferroviaire et l’obligation d’appliquer le mandat constitutionnel sur la protection des Alpes.
Des investissements modestes permettraient de faire circuler quotidiennement 30 à 100 trains de marchandises supplémentaires sur l’axe du Gothard.
Qui paiera?
Une majoration du prix des billets est l’une des possibilités mises en avant par le Conseil fédéral pour financer les transports publics. Pour l’Initiative des Alpes, une telle option n’est acceptable que si, parallèlement, la taxe sur le CO2 est étendue aux carburants et la RPLP remise rapidement à son montant maximal. Le Conseil fédéral pourrait aussi réduire les déductions fiscales des pendulaires au titre des frais de déplacement: il en résulterait pour la Confédération et les cantons un supplément de recettes pouvant atteindre 1,2 milliard de francs par an. Une extension de la RPLP aux voitures de livraison rapporterait environ 200 millions de francs.