Si certains politiciens s’obstinent à réclamer le doublement du tunnel routier du Gothard, cela n’a pas grand-chose à voir avec un raisonnement socio-économique ou écologique. Tout simplement, le secteur de la construction est en quête de nouveaux mandats.
aa. Les voitures de tourisme ont été 0,8% moins nombreuses à franchir les Alpes en 2007 qu’en 2001. En moyenne, 16’600 véhicules sont enregistrés quotidiennement au Gothard, alors qu’ailleurs 80’000 véhicules ou plus se pressent sur l’autoroute. Le Gothard ne connaît de bouchons que certains week-ends du semestre d’été. Le directeur de l’Office fédéral des routes, Rudolf Dieterle, a exprimé les choses ainsi: «Personne ne se fait construire une maison de 20 pièces juste pour pouvoir y héberger toute sa parenté à Noël ou à Pâques!» (Zentralschweiz am Sonntag du 3.5.09). C’est pourtant ce que préconisent certains politiciens, sous un nouveau prétexte.
Nouveau prétexte
L’assainissement du tunnel routier du Gothard ne devra pas isoler le Tessin du reste du pays. Pour maintenir la circulation, d’aucuns estiment un second tube nécessaire. Et pour qu’il n’en résulte aucune augmentation de capacité, interdite par la Constitution (art. 84), ce second tube serait mis à une seule voie au terme des travaux d’assainissement. De qui se moque-t-on? Le conseiller aux Etats radical neuchâtelois Didier Burkhalter, membre du comité de l’association PPP (partenariat public-privé), entend même nous faire cadeau de ce deuxième tube: «Des travaux d’étude à l’exploitation et à l’entretien, le partenaire privé assumerait l’entière responsabilité de l’ouvrage pour une durée de 30 ans.» Afin que l’Etat n’ait rien à payer, les usagers du nouveau tunnel financeraient celui-ci par un péage de 20 à 50 francs. Le hic, c’est que le peuple devrait préalablement modifier la Constitution, qui déclare l’utilisation des routes exempte de taxe.
Les véritables raisons
Le quatuor parlementaire qui a déposé l’an dernier des interventions en faveur du doublement du Gothard a des liens étroits avec le secteur de la construction. Hasard? Le conseiller aux Etats Dick Marty (PLR/TI) est membre du conseil d’administration de Facchinetti SA (routes et tunnels) à Neuchâtel, son collègue Filippo Lombardi (PDC/TI) siège aux conseils d’administration d’Ennio Ferrari SA (génie civil) à Lodrino et de Pizzarotti SA (tunnels) à Lugano, le conseiller national Fabio Abate (PLR/TI) est au conseil d’administration de Barella SA (entreprise générale de construction) à Chiasso, et le conseiller national Jean-François Rime (UDC/FR) préside le conseil d’administration de Sagérime SA (glissières de sécurité, clôtures, parois antibruit, etc.) à Bulle. Fait également partie de l’équipe l’ex-président du PLR et ancien conseiller national Franz Steinegger, lequel, depuis son retrait de la politique, se mobilise de plus en plus pour un second tunnel au Gothard, alors qu’il en avait rejeté l’idée; il préside le conseil d’administration de CSC Impresa Costruzioni SA, un grand groupe actif en Suisse et à l’étranger dans la construction de tunnels.