Les transports absurdes ne sont pas le fait du hasard mais ont leurs raisons. L’Initiative des Alpes veut se pencher sur ces derniers en créant un centre de compétence pour l’efficacité du transport de marchandises. Ainsi, les principes de durabilité seraient respectés à l’avenir dans les transports aussi.
aa. Deux articles de journaux remarqués : une jeune entreprise veut élever des poissons et en même temps cultiver des légumes. A partir d’un kilo d’aliment pour poisson, il devrait être possible de produire un kilo de poissons et cinq kilos de légumes. Et cela, en plein centre de la ville de Bâle, là où les consommatrices et consommateurs doivent être approvisionnés. Si plus de denrées alimentaires étaient produites selon l’idée de ce « Urban Farming », ou agriculture urbaine, bon nombre de transports seraient économisés sur des centaines de kilomètres.
Un autre article rapporte que, depuis quelques mois, la brasserie Eichhof ne remplit plus ses bouteilles au site de production de Lucerne mais à Coire. La distribution se fait depuis Domat/Ems. La région principale de vente d’Eichhof étant la Suisse centrale, cette manière de procéder est un exemple de transport absurde et vain, ceci malgré le transport par rail aux Grisons. Il n’est pas fait mention du moyen de transport que prennent les bouteilles pleines pour retourner à Lucerne et environs.
Trajets courts ou globalisation?
Les « agriculteurs urbains » bâlois visent ce qui allait de soi cent ans auparavant : produire le plus près possible du lieu de consommation. La méthode d’Eichhof par contre correspond à la tendance actuelle de globalisation dictée par le pétrole brut bon marché. Pour beaucoup d’entreprises, le facteur coût de transport est négligeable. Ainsi de riches chinois construisent avec des pierres de Vals tandis que nos routes et places sont pavées de pierres chinoises, indiennes ou brésiliennes. Nous nous sommes aussi bien habitués à l’eau minérale pétillante venant des sources italiennes supplantant notre eau du robinet de haute qualité et presque gratuite qu’au fait que nos vêtements, l’électronique, les jouets
et beaucoup de nos voitures viennent d’Extrême-Orient.
Transports insensés
Au moyen de son « Prix des transports absurdes », l’Initiative des Alpes a attiré ces dernières années l’attention sur des exemples particulièrement flagrants de transports absurdes comme le remplissage à Ancône en Italie ou en Belgique de crème à fouetter suisse destinée au marché suisse. Aujourd’hui, nous allons plus loin : nous voulons initier un centre de compétence pour l’efficacité du transport de marchandises.
Les transports ne sont pas simplement des phénomènes naturels. Les statistiques montrent qu’en comparaison avec le Danemark et pour chaque euro de produit national brut, presque 50% de kilomètres de transports marchandises en plus sont générés au Portugal. Pour expliquer de telles différences, nous ne pouvons que spéculer. Il est certain que les subventions à l’exportation des produits agricoles génèrent des trajets plus longs et que les règles d’origines peuvent causer des transports absurdes, comme ceux des porcs transportés pour l’abattage à Parme afin d’être revendus dans toute l’Europe sous le label de « Jambon de Parme ». Ou les yogourts à base de lait allemand, vendus en Allemagne mais fabriqués à Athènes.
En vue de reportages pour « échos », nous avons jeté un coup d’œil dans les poids lourds qui transitent à travers les Alpes. Nous n’en avons pas cru nos yeux : des récipients vides transportés de Belgique à Naples ; de vieux pneus du Luxembourg à Come ; du papier de toilette de la région de Mainz en Italie ; des pièces de rechange Mercedes de Karlsruhe à Naples et de la mozzarella d’Angleterre en Italie. Par camions aussi et traversant le Gothard : des couvercles de tubes de dentifrice, du sable pour le volley de plage, du chocolat fondu, des découpes de feutre, de la fécule de pommes de terre, des courroies, des pièces de machine, du polystyrène et des Smart. Pourquoi pas par le rail et surtout pourquoi?
Éviter des transports
L’extension constante des capacités d’infrastructure crée les conditions propices à la croissance de cette folie des transports qui nous coupe le souffle, vole notre sommeil et rend nos routes dangereuses. Les entrepreneurs futés profitent des prescriptions ou des salaires différents dans les divers pays malgré les transports qui vont avec! Notre mentalité du tout jetable et la durée de vie intentionnellement raccourcie des marchandises entraînent de plus le carrousel des transports.
Le centre de compétence pour l’efficacité du transport de marchandises planifié à Uri, initié par l’Initiative des Alpes et soutenu par les cantons d’Uri et Bâle-Ville ainsi que par des fondations devrait combler le manque de connaissances dans ce domaine et procurer la durabilité aux transports de marchandises. Les priorités exactes seront discutées lors d’une réunion de démarrage en septembre à Altdorf. Ce centre sera-t-il destiné à la recherche, à l’innovation, à des start-up ou à la gestion du savoir et la mise en réseau ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle institution contribuera à découpler le volume de trafic de marchandises du rendement économique (PIB). Des points de vue écologique et économique, la durabilité de notre économie peut être améliorée en évitant les transports absurdes.
Combien de marchandises doivent encore être expédiées autour du globe? Cette photo a été prise au port de Bâle.