Le Conseil fédéral ignore toutes les oppositions et s’accroche à son deuxième tunnel routier. Que valent les promesses politiques dans la politique des transports?
tob. Tout le monde connaît bientôt cette affirmation : lors de l’inauguration du tunnel du Gothard en 1980, le Conseiller fédéral Hans Hürlimann (PDC) déclarait : « Ce tunnel n’est pas un corridor pour le trafic des poids lourds. » Un million de camions en résulte par année. Une autre promesse est à mentionner. La Conseillère fédérale Elisabeth Kopp (PLR) affirmait au Conseil national alors qu’il était question de la largeur des camions: « Le Conseil fédéral a affirmé sans ambiguïté […], qu’il entend conserver la limite des 28 tonnes. » Quelques années plus tard, le Conseil fédéral la relevait à 40 tonnes.
On ne doit ni ne peut reprocher aux deux magistrats d’avoir agi de manière déloyale. En politique, les promesses deviennent vite caduques, surtout si de nouvelles personnes prennent les commandes, ce qui est tout à fait normal dans une démocratie.
Par petites tranches
En septembre 2013, le Conseil fédéral a adopté à l’intention du Parlement son message relatif au tunnel. Il entend obtenir ainsi la légitimité pour pouvoir construire un deuxième tube au Gothard. Cela malgré que la Constitution interdise l’augmentation des capacités des routes de transit à travers les Alpes, Gothard compris.
Qu’avons-nous à en penser si le Conseil fédéral ne souhaite que modifier une loi et communique à la population : « La modification de loi garantit que même après la réfection du tunnel existant, seule une voie par sens de circulation sera ouverte au trafic. » Cette loi entrerait en vigueur au plus tôt en l’an 2030. C’est seulement à ce moment-là qu’un deuxième tube serait terminé et le premier assaini. La promesse de Doris Leuthard sera-t-elle encore décisive ?
Peut-être se souviendra-t-on plutôt d’une autre déclaration de l’actuelle ministre
des transports où elle affirmait en 2012, selon un procès-verbal de commission devenu public : « Nous n’allons pas construire deux tunnels pour n’utiliser qu’une voie chacun, ce serait hypocrite. » Donc : le deuxième tube une fois construit, la protection des Alpes ancrée dans la Constitution sera plus facile à assouplir et les quatre voies seront vite utilisées. Une initiative populaire correspondante (« Oui à la circulation, non aux bouchons ») est déjà lancée !
Poisons et explosifs
L’intention de la Confédération d’autoriser en 2015 le transport de marchandises dangereuses dans plus de tunnels ne promet rien de bon au Gothard. Comme le tunnel du Seelisberg entre Nidwald et Uri dans lequel le transport de telles marchandises est interdit actuellement le week-end. Ce tunnel de 9 km dispose de deux galeries, donc de quatre voies. La Confédération justifie la levée planifiée des restrictions en vigueur par le fait que les ouvrages sont ou seront assainis à grands frais et équipés de technique de ventilation moderne. Si une seconde galerie était construite au tunnel du Gothard, celui-ci serait bitube, comme le Seelisberg, équipé d’installations dernier cri, de galeries de sécurité et (peut-être) de bandes d’arrêt d’urgence faisant défaut au Seelisberg soumis à plus de trafic. Pourquoi alors maintenir les restrictions actuelles ? Aujourd’hui, seules de très petites quantités de marchandises dangereuses (explosives ou susceptibles d’être dommageables pour les personnes et l’environnement) peuvent être transportées à travers le tunnel routier du Gothard. Cette interdiction ne peut être maintenue qu’avec un tunnel monotube.
Reconnaissance spéciale
Il y a aussi du positif à rapporter de la politique des transports. La bourse du transit alpin comme instrument de transfert du trafic sur le rail a reçu un soutien inattendu: le think tank libéral Avenir Suisse exige dans le papier de discussion sur la vérité des coûts dans les transports l’introduction d’une bourse du transit alpin (BTA) pour contrôler le trafic de transit.
Bien que la BTA soit « certes une atteinte dans le marché du trafic », elle permet cependant une utilisation des plus efficaces des capacités limitées. Selon Avenir Suisse, la BTA est en outre un système loyal puisque les recettes peuvent être utilisées pour l’infrastructure et soulagent ainsi le contribuable. L’organisation connue pour être des plus libérales part aussi du principe qu’il faut une BTA pour les camions en transit. Parfait!